La Judée est le berceau du judaïsme. Il s’est développé sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, le long de la péninsule arabique et sur les rives de l’Euphrate. Sur ce vaste territoire se sont épanouies de nombreuses civilisations (perse, grecque, romaine et, à partir du VIIe siècle, islamique). Les juifs sont entrés en contact avec toutes ces sociétés. Il fallait rendre compte des interactions culturelles qui ont alors nourri le judaïsme, tout en rappelant son influence sur l’islam naissant.
À travers un parcours déployé sur 1100 mètres carrés, le visiteur découvre l’histoire des communautés juives dans les pays arabes, ponctuée par de grandes périodes d’effervescence intellectuelle, sans omettre les épisodes de violence sporadique. De Bagdad à Cordoue, de grands érudits tels que Saadia Gaon, Moïse Ibn Ezra, Maïmonide, Joseph Caro et tant d’autres ont participé à la grandeur des cultures juives en terre d’islam. De ces quinze siècles de cohabitation, reste aujourd’hui un riche legs matériel et immatériel, profane et religieux.
Des œuvres archéologiques exceptionnelles, de somptueux objets liturgiques, des bijoux d’une grande finesse témoignant du savoir-faire détenu par les artisans juifs, de magnifiques costumes, des manuscrits précieux attestant de la vie des communautés juives au Moyen Âge ainsi que d’émouvantes photographies de famille font partie des pièces majeures de cette exposition.
Accueillir cet événement unique à l’Institut du monde arabe porte une symbolique forte : célébrer la pluralité du monde arabe et lutter contre l’oubli et les amalgames. Cette démarche s’inscrit plus largement dans une quête de transmission de la mémoire de l’histoire des juifs et de leur relation avec les musulmans, que les vicissitudes du monde contemporain tentent de faire taire. Le commissaire général de cette exposition inédite, Benjamin Stora, grand historien et spécialiste reconnu des relations judéo arabes, apporte un regard lumineux à ce parcours plurimillénaire. La connaissance est la meilleure arme contre l’intolérance. » Jack Lang
Cette exposition, qui est une grande première à l’échelle internationale, met en lumière la longue histoire juive en Orient. Le visiteur découvre la richesse des contacts des communautés juives avec les différentes civilisations, grecque, romaine, perse, qui ont dominé les territoires où la diaspora s’est implantée au cours de l’histoire… Ainsi apparaît pour la première fois toute la singularité des juifs en Orient, nourrie de pratiques religieuses, de «miracles» qui enchantent le réel et de volontés de transmission d’une mémoire tumultueuse….
Dans cette grande exposition, l’intention n’est pas de « réconcilier » ceux qui pensent que cette histoire doit être seulement décrite comme un exemple d’harmonie et de convivialité entre plusieurs mondes du monothéisme – de «convivence», comme disait le grand intellectuel Abdelwahab Meddeb et ceux qui la décrivent seulement comme une suite de conflits terribles, notamment après l’apparition de la civilisation islamique. Ce que nous aimerions dire, montrer, se situe à l’intersection de ces deux conceptions…Il nous a fallu choisir des moments singuliers, privilégier certaines œuvres, insister davantage sur tel ou tel aspect de la longue présence juive en Orient : une exposition qui céderait à la tentation de l’exhaustivité manquerait nécessairement son objectif.
Dès lors, chaque espace de l’exposition évoque une
situation vécue par les populations juives, du Maroc
à l’Irak, de la Tunisie à la Syrie. Le déroulé épouse ce
mouvement géographique. Marcher d’une salle à une autre est comme emprunter plusieurs chemins menant à une même destination : à travers tous les détours philosophiques, littéraires ou géographiques, l’attachement à une foi ancienne revient toujours. L’exposition est une mise en espace d’une vie pleine, foisonnante, qui adopte différentes formes tout en conservant une remarquable cohérence d’ensemble. Le visiteur éprouve ce qui fait l’unité d’un tel univers ; une certaine tonalité, à la fois joyeuse et inquiétante, sombre et pleine des éclats du soleil de la Méditerranée….
Perpétuer une telle mémoire juive en Orient, principalement en Méditerranée, au Moyen-Orient ou
dans la péninsule arabique, consiste à chercher des
récits riches d’histoires anciennes dans plusieurs villes emblématiques, comme Constantinople, Jérusalem, Salonique, Fès…à maintenir des liens entre les personnes, à laisser ouvertes les portes du savoir et de la connaissance entre gens aux origines différentes. Le désir d’appropriation de ce passé s’opère dans une situation, en France, où de nombreux groupes de mémoire cherchent à se référer à des origines, fantasmées ou réelles.
Nous le savons, la plupart des communautés juives ont disparu des terres d’Orient depuis le XXe siècle. La conclusion de l’exposition aborde les causes de ce départ : décolonisations, création de l’État d’Israël ou désir d’égalité…Mais les jeunes générations cherchent à comprendre les causes de cette séparation. Dans ce monde disparu qui se remet alors à vivre, il faut
donner des repères précis. Ce travail, par l’exposition, nous suggère qu’un monde sans (re)père ne saurait être viable, qu’aucune fondation nouvelle ne nous dispense d’en assumer le prix. Car le regard se forme et s’exerce à partir de certains héritages historiques perçus dans le rapport quasi charnel à l’Orient au sens large et le refus d’une dispersion de la mémoire autour du temps englouti. Dans une quête intérieure, de nombreuses personnes, jeunes ou moins jeunes, veulent ainsi retrouver une cohérence et se refusent à ne penser qu’à l’exil auquel pourrait succéder une perte définitive de mémoire.
Les quartiers, les rues, les jardins, les chants religieux ou profanes, les ciels et les musiques : tout cela continue à courir dans les veines, mêlé à des peines, à des espoirs, à des joies pour de très nombreuses personnes. Cette exposition, inédite dans un moment politique très particulier marqué par le long conflit israélo-palestinien, montre un récit porté par la nécessité d’une transmission aux générations qui viennent. » Benjamin Stora
COMMISSAIRE GÉNÉRAL:
Benjamin Stora, Professeur des universités, Historien du Maghreb contemporain, des guerres de décolonisations et de l’immigration maghrébine en Europe.
DÉPARTEMENT DU MUSÉE ET DES EXPOSITIONS
Nathalie Bondil, Directrice du musée et des expositions
COMITÉ SCIENTIFIQUE
• Frédéric Abécassis, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’ENS de Lyon
• Denis Charbit, Professeur en sciences politiques à l’Open University d’Israël
• Mark Cohen, Professeur émérite d’Etudes proche-orientales à l’Université de Princeton
• Sonia Fellous, Historienne des religions, chargée de recherche au CNRS
Laurent Héricher, Conservateur général des bibliothèques, chef du Service des manuscrits orientaux à la BnF
Mohammed Kenbib, Directeur de l’Institut Royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc
Benjamin Lellouch, Maître de conférences en histoire moderne à l’Université Paris-8
Jack Lang, Président
Dr Mojeb Al-Zahrani, Directeur général
Jean-Michel Crovesi, Secrétaire général
Bouchra KIBBOU
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