BD & GRAFFITIS PAR HENRI LAURAS

Quel lien y a t il pour vous entre la bd et le graffiti ?

Pour cet artiste, il existe un lien très fort entre la bd et le graffiti. Dans les deux cas, c’est du dessin, et c’est également une histoire., il s’agit donc d’un média avec une forme différente. En ce qui concerne le papier pour la BD, qui va du dessin d’humour au roman complet, en passant par les strips en 3 ou 4 images et les planches d’1 page, avec une variété de thèmes et de styles immense.

« L’origine des BD Manga, Comics, Ligne claire, Dessins d’auteurs avec des thèmes très variés : SF (espace avec Leloup et beaucoup d’autres et une grande variété de héros, urbain avec le génial Schuiten, délire avec les talentueux Moebius, Bergeon, Bilal ou Druillet…, et historique et Fiction…). Roman réaliste (aventure, industrie, réécriture de romans de la littérature, etc…). Roman historique (guerre, western, analyse historique, religion, etc…), Humour (Mafalda, Gaston Lagaffe, mais aussi Sempé, Reiser, et plein d’autres), Super héros (de Popeye à Superman). Les dérivés du dessin animé (mickey, picsou et Donald ; On ne sait plus très bien si c’est la BD qui a engendré le dessin anime ou le contraire. Il s’agit de toute façon d’une exploitation commerciale optimisée). » Henri Lauras

Pour les graffitis, c’est d’abord les murs de nos villes, avec là encore des styles variés qui vont du simple tag (une signature graphique, qui signifie en gros : » je suis passé par là ») à l’œuvre d’art dont certaine atteignent des cotes invraisemblables (ce n’est pas un jugement de valeur, mais une constatation). Les graffitis se diversifient en différents style de traitement : aérosol, mosaïque, peinture avec un gabarit prédécoupé, peinture au rouleau ou au pinceau, ou résultant de collages)

« Le graffiti, par son origine populaire et son message parfois choquant, est pour moi un symbole de liberté outrepassée, celle qui donne de l’adrénaline, et du baume au cœur. Il est aussi un symbole de générosité puisqu’il est mis à disposition de tous. » Henri Lauras

La notoriété venant, les artistes passent à la toile (la délicate collecte d’expressions de Misstic, Ben Spark qui s’inspire des comics, U215, les délirantes toiles-performances de Banksy…) Les graffeurs ont d’ailleurs des précurseurs célèbres. Prenons les grandes fresques de Miquel Ange, ou bien de Picasso avec Guernica : une fresque est une histoire. Et Roy Lichtenstein s’inspirait de comics, comme plus tard Ben Spark ou Mr Chat. Dans les deux cas de la BD et du graffiti, on nous passe une histoire ou un message. Les œuvres de Mistic sont comparables à des strips ou de de simples dessins à la Sempé. Les graffeurs comme Ben Sparc extraient une image, une phrase d’un comic et nous en tirent un message. Comme un résumé ultime.

Que symbolisent les graffitis selon vous?

Les graffitis sont à l’origine l’illustration d’un art populaire, méprisé à leur début (car résultant d’une frange pauvre d’artistes que les riches ne considéraient aque comme des dégradateurs de nos murs. Et « les pauvres étaient par définition à éviter, à enfermer ou à exploiter…», car la pauvreté, c’était comme un virus auquel il était difficile d’échapper Mais en réalité le graffiti véhicule toute une philosophie. Philosophie de la vie (la guerre, l’écologie, la politique), et sont une forme de dictons ou de maximes.

Certains sont provoquants («communistes en esclavages » ai-je vu un jour), frappants (ils nous posent une vraie question), tournent à la dérision des pans de l’ordre sociétal (les deux Policemen qui se roulent une pelle, et dont j’ai oublié le nom de l’artiste),  Et ce partout dans le monde, que ce soit 3n Afrique équatoriale, d’où je reviens, et ou j’ai pu voir de très belles œuvres dans des quartiers défavorisés comme dans des quartiers huppés, modernes ou d’affaires. En Europe (j’ai souvent vu aussi des publicité ou des logos de grandes entreprise détournés). En Amérique du sud ou au Mexique, tout comme aux USA et au Canada… En Asie (j’en ai vu de superbes en Indonésie et en Inde)

De quels artistes vous inspirez vous? 

Tous les artistes de la BD ou du graffitis sont inspirant car ils racontent de belles histoires pour les uns et nous interrogent pour les autres. Mais plutôt que de m’inspirer des uns ou des autres, je préfère des hommages que je leur rend sur des thématiques précises, comme, des visages, ou encore en rassemblant des tags (signatures ou slogans brefs) que je rassemble sur mes photos montage en recréant une espèce de continuité. Et dans d’autres œuvres, je leur rend hommage en couvrant des monument improbables et de leurs graffitis. C’est ainsi que j’ai travaillé la Grande Pyramide du Caire, le Palazzo Bernardo de Venise, ou la Grande Mosquée d’Abu Dhabi. Plus près de chez nous, j’ai fait un lifting au Grand Trianon de Versailles. Lui, c’est la mort de Johnny Halliday qui m’a inspiré.

Comment est née cette passion pour le 9ème art?

9e art? je ne savais pas que la BD était qualifiée de 9e art. Mais c’est tant mieux, car c’est vraiment un art. Et qui phagocyte bien des autres. On a parlé du dessins animé dérivé en BD, mais il y a aussi la littérature (Proust a été traduit en BD, le merveilleux roman ‘Au revoir là-haut’ de Pierre Lemaîre l’a aussi été, et bien d’autres également.  De plus la BD a inspiré d’autres arts (le cinéma, avec Lucky Luke, Largo Winch ,Astérix ; la peinture avec Roy Lichtenstein et le graffiti  dont nous avons parlé) Mais revenons à la question. Cette passion m’est venue dès mon plus jeune âge. Je ne savais pas encore lire que je dévorais les aventures de Tintin que les images simples rendent accessibles de 7 à 77 ans (mais j’avais 4 ans, et n’envisage pas de m’arrêter à 77 ans). Puis Astérix, mais difficile à comprendre, que j’ai fini par connaitre par cœur, Lucky Luke, Buck Danny, Tanguy et Laverdure, Yoko Tsuno. De 15 à 17 ans tout mon argent de poche passait en BD. J’ai acheté les séries complètes de Tardy, Druillet, Gotlieb, tant et si bien qu’à 20 ans je possédais déjà 300 albums. Aujourd’hui j’en ai 12.000 environ, réparties entre mes deux maisons. Je ne les lis pas toutes (les manga, les comics, les Pieds Nickelés ou Bibi Fricotin, dont j’ai pourtant réussi à reconstituer les séries originales complètes).

En fait, j’avais la passion du dessins, de la peinture. Ma mère qui faisait de la critique littéraire et d’art m’a dit qu’a 4 ans je regardais des œuvres contemporaines qu’elle ne comprenait pas, et y voyais des tas de choses que je lui expliquais. La BD était aussi un moyen de lire plus sans y passer trop de temps. J’ai lu énormément d’ouvrages littéraire, y passais parfois la moitié de mes nuits, et la BD était une alternative, un ‘plus, plus vite’. Pourtant, lire une BD est souvent insuffisant. Il faut se plonger dans les images. C’est ainsi qu’avec un peu plus de maturité, j’ai découvert toutes les caricatures qui se cachent dans les dessins d’Uderzo, les détails désopilants dont Franquin ou Gotlieb ont émaillé leurs planches. Un livre, je le lis une fois., rarement deux. Une BD, j’y reviens. Souvent. Prenez Schuiten : c’est un de mes auteurs préférés, avec Moebius. Là c’est le rêve qui m’emporte, les harmonies aussi qu’il maîtrise à la perfection.

Alors, pour résumer, la BD, oui, c’est une passion dévorante, qui remonte à mes premières années, qui nous racontes des histoires complètes, et où on découvre les « dessous » de l’histoire selon la façon dont on regarde les images. En détail, ou en gros. L’impression que l’on en retire fait le reste.

Quelles étaient vos BD favorites durant votre enfance et actuellement ?

En fait j’ai déjà répondu partiellement à cette question. Tintin, Astérix, Lucky Luke étaient les plus classiques. Vite ont suivi les autres d »jà cités, mais aussi Guy Lefranc, Alix, puis vers 13 ans les incroyables Blake et Mortimer, Spirou et Fantasio et Gaston Lagaffe, mais aussi les album plus anciens du même Franquin que constitue la série Modeste et Pompon. Puis sont venus les mythique Moebius, Druillet, Tardy, qui offrait un style nouveau, se démarquant nettement de de la ligne claire, et des thèmes classiques de l’aventure et de l’humour). Actuellement, mes auteurs préférés sont Schuiten et Moebius. Mais j’adore Van Hamme avec son Largo Whinch, aventures d’un milliardaire dans un contexte politique et économique où fraudes et trahisons sont nombreuses. Peut-être parce qu’il est une superposition de gens que j’ai côtoyés professionnellement (les milliardaires) et d’aventures dont j’ai, professionnellement aussi, vécu un certain nombre, difficiles, amusantes, compliquées, et ce dans le monde entier. J’ai eu la chance de vivre ma vie professionnelle comme un véritable roman.

Palazzo Bernardo (Venice)

Y a t il une part de vos aventures futuristes projetées sur vos œuvres ?

Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. Mes aventures professionnelles ont été nombreuses, variées et m’ont fait rencontrer des gens de toutes origines, de tous niveaux sociaux, et de dizaines de cultures. Oui elles sont parfois traduites dans mes photos. Mais de là à parler d’aventures futuristes ? Le futrur de mes aventures est derrière moi. Mes aventures du futur seront différentes car je suis en train de changer de vie et de m’orienter aussi vers les ONG et l’aspect humanitaire. Ca brise l’orgueil et les préjugés dans lesquels on est souvent éduqué en France. J’en profite pour saluer tous ceux qui travaillent au bien des populations moins chanceuses que la nôtre. Je n’ai pas encore penser à en tirer des photos. Et pourtant il y en aurait à faire, mais des photos de reportage quin sont en même temps des photos d’art, comme sait si bien les faire le brésilien Sebastião Salgado.

Quelles sont selon vous les qualités pour être un bon graffeur?

Savoir dessiner, maitriser sa technique, et avoir quelque chose à dire. 

Comment avez vous découvert le monde du graffiti et qu’évoque t il chez vous?

Je l’ai découvert très tôt, dès l’âge de 13 ou 14 ans, à une époque où il était combattu, où on repeignait un mur dès qu’il y avait une inscription ou un graffiti. J’y trouvait de l’art. J’y reconnaissait une maîtrise intéressante. J’était sensibles= aux harmonies vives et parfois indigestes. Sensible aussi aux messages bien souvent irreverencieux. C’était mon côté rebelle. Je dois avouer ici que j’ai moi-même fais quelques tags et graffitis. Je ne vous dirai pas où, car cela aurait pu très mal tourner pour moi, mais aussi pour mes parents, puisque j’étais mineur, et que mes parents auraient perdu amis et connaissances… Mais tout s’est bien terminé, car je n’ai jamais été pris, même si plus de 40 ans après ça en causait encore dans les chaumières…

Quelques mois avant le passage à l’an 2000 on disait Y2K à l’époque) j’ai organise une grande fête à la maison, avec 85 convives. C’est la seule fête déguisée que j’ai faite. Et quel thème ? Rap et Tag. Les gens devaient venir déguisés en graffeurs et graffeuses, avec une casquette sur la tête et une bombe aérosol. Javais des tableau achetés pour une bouchée de pain en Indonésie, rapportés sans frais dans le déménagement d’un proche, de retour vers la France. Je les avais partialement repeints et disposés de manière à ce que les invités les taguent ou les graffent. Ils avaient des aérosols, et j’avais ajouté de gros marqueurs.

Quelles sont vos influences concernant le 9ème art?

Ça me fait rire, cette question. Il y a trop d’influence pour qu’une ou quelques BD ou auteurs puissent être mentionné(e)s. Mes photos empruntent à la bande dessinée le seul fait de raconter une histoire (nécessairement plus courte puisqu’elles tiennent en 1 à 10 images ou 2 à 3 images superposées). Peut-être aussi un aspect humoristique ou décalé de temps à autre. Mais rien de plus.

À qui vos BD s’adressent elles?

Mes « BD », comme vous dites, ne sont ni des bandes d’images ni dessinées. Ces photos s’adressent à tous ceux qui sont capables d’en déchiffrer le sens visible et invisible. Pendant une exposition, un monsieur est resté pendant vingt-cinq minute devant l’annonce faite au grand palais. Il avait reconstitué dans sa tête presque l’ensemble de l’histoire qui, je l’ai déjat dit tout à l’heure est l’histoire de la genèse de la photo. Je lui ai tiré mon chapeau, à ce monsieur. Il m’en a acheté une autre. Mais a hésité à me prendre celle-là aussi.

Quels sont vos futurs projets pour 2022?

J’en ai plein, le rachat d’une très grande maison avec un grand parc en centre-ville. C’est une formalité. Je quitte la Région Parisienne, et Dubai, villes entres lesquelles je partageais ma vie. Je me désengage progressivement de l’aviation, pour me consacrer à des ONG en Afrique. Je referai surement des photos mais je n’ai aucun plan préconçu. Elles surgissent généralement d’un instant difficile. Mais si j’ai l’idée de la photo avant de faire les clichés nécessaires à sa réalisation, il est probable que rien en sortira. Je prends les photos et l’idée de montage vient quand je les regarde quelques semaines plus tard.

Quelle est votre œuvre favorite et pourquoi ?

Ce sont sans aucun doutes les tableaux de Bruegel et de Jérôme Bosch. Je crois que je construis mes photos comme eux leurs tableaux. Pas comme un copiste, mais en enrichissant l’image à outrance de détail. Maintenant, si c’est mon œuvre préférée parmi les mienne, permettez-moi de ne pas le dire ? C’est un peu qui si vous me demandiez quel est celui de mes enfants que je préfère. Mais je préfère mes enfants à mes photos. Pour être plus clair, il y a des photos que je n’aime pas. Je les fais passer pour des travaux de recherches.

Bouchra KIBBOU

#HENRILAURAS #BD #GRAFFITI

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