Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et le Musée d’Archéologie nationale. Dans le courant du XIXe siècle, l’archéologie se retrouve au cœur de nouveaux enjeux tant politiques que scientifiques. D’une part, les États européens concourent pour s’approprier la connaissance des cultures disparues et construire leur identité nationale.
D’autre part, s’ouvrent de véritables chantiers de fouille qui mobilisent des techniques nouvelles et des outils novateurs. Cartographie, dessins et photographie sont convoqués pour restituer le réel, attester la provenance authentique des objets et dresser un panorama qui se veut objectif et scientifique, avec pour enjeu supplémentaire une diffusion des fouilles et de leurs produits auprès des publics.
Emblématiques de ce double mouvement, les fouilles archéologiques entreprises à l’instigation de Napoléon III adoptent une démarche bien différente de celles menées par les « antiquaires » du siècle précédent. Très liées à la personne de l’empereur, elles constituent un véritable programme archéologique à l’échelle de l’Europe et du bassin méditerranéen, en Grèce, en Italie ou en Orient. L’impulsion est donnée depuis la France par la rédaction de l’Histoire de Jules César. Napoléon III entend marcher sur les traces du conquérant romain et la Commission de Topographie des Gaules, ou CTG, est officiellement investie le 17 juillet 1858. Elle entreprend, ou subventionne, jusqu’en 1879 des travaux nombreux pour identifier les sites archéologiques sur le terrain.
Sous la direction de Félicien Caignart de Saulcy (1807-1880), la CTG tisse un vaste réseau de correspondants présents dans tous les départements, en s’appuyant sur les sociétés savantes. Militaires, archivistes, enseignants, hommes d’Église et autres notables, sont ainsi mobilisés pour collecter informations et objets, et les envoyer au ministère de l’Instruction publique selon une méthodologie clairement établie.
Peu de temps après, en 1861, Napoléon III acquiert les Jardins Farnèse sur la colline du Palatin à Rome: symboliquement, il devient propriétaire de ce que l’on nomme durant le Risorgimento « les Palais des Césars » et engage les fouilles archéologiques que conduit Pietro Rosa (1810-1891). En France comme en Italie, relevés, photographies, rapports, estampages sont les témoins (aujourd’hui dispersés) d’une activité intense qui jette les bases d’une archéologie scientifique.
Pietro Dovizielli, Palais des Césars, équipe de fouilles en action (détail), 1864-1867. Avril 1862, épreuve photographique sur papier albuminé, à partir d’un négatif sur verre au collodion, H. 22,6 ; l. 31,5 cm, Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaine © Musée du Louvre / Département des AGER
L’exposition a pour objectif de retracer l’histoire de collections aujourd’hui dispersée dans des institutions de natures diverses (bibliothèques, musées, fonds privés et écoles d’art).
En réunissant ce corpus, elle espère retracer le déroulement des fouilles que Napoléon III entreprend dans les pas des Césars, tout en proposant une nouvelle approche qui questionne le rôle de la photographie et des méthodes d’enregistrement dans ce programme archéologique. Il s’agira d’identifier les différents acteurs (archéologues, historiens, photographes, cartographes, Napoléon III), émetteurs et récepteurs de cette archéologie de l’image, qui ont indéniablement participé à la politique culturelle pratiquée durant cette période de recherches en France et en Italie. Les archives conservées en France qui se rapportent aux fouilles menées par la CTG et celles des Jardins Farnèse sous Napoléon III restent à ce jour inconnues du grand public.
Et pour cause, aucune rétrospective n’a permis de mettre en lumière cette aventure archéologique. En plus de voir des albums déposés au nom de l’empereur dans diverses institutions nationales, des photographies grand format présentées à l’Institut de France et des albums touristiques vendus in situ, le visiteur pourra découvrir des objets issus des fouilles d’Alise-Sainte-Reine et des Jardins Farnèse, conservés au musée d’Archéologie nationale ou au musée du Louvre, ainsi que les toiles exécutées par le peintre Joseph-Fortuné-Séraphin Layraud, le seul artiste-peintre français identifié à avoir assisté au dégagement de la maison de Livie (1869), et les relevés d’Arthur Dussert.
Bouchra KIBBOU